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Les cellules souches du lait maternel migrent aussi vers le cerveau

Une étude de Foteini Kakulas publiée en février 2019 donne un nouvel éclairage sur le transfert de cellules maternelles vers l'enfant. Voici les grandes lignes basées sur l'article original consultable ici : http://milkgenomics.org/article/even-to-the-brain-yes-breastmilk-stem-cells-do-transfer-to-organs-of-offspring/

 

- Le lait maternel contient des cellules souches qui peuvent traverser l'intestin et migrer dans le sang de l'enfant allaité.

- Du sang, ces cellules souches du lait maternel voyagent vers divers organes, y compris le cerveau, où ils se transforment en cellules fonctionnelles.

- Ce transfert de cellules souches du lait maternel de la mère à la progéniture semble être plus qu'un simple événement aléatoire, et confère potentiellement d'importantes caractéristiques de développement.

- Les recherches futures doivent se concentrer sur la façon dont ce phénomène peut être récupéré médicalement, par exemple pour aider les prématurés à survivre et à se développer de façon optimale dans la mesure où la congélation du lait maternel tue les cellules.

 

Les cellules souches du lait maternel

 

Des études [3,7,8] ont montré que les cellules souches du lait maternel survivent effectivement dans le tractus gastro-intestinal de la progéniture et sont transférées de là dans le sang et le cerveau des enfants. Elles y sont transformées en fonction d'indication du cerveau, en cellules cérébrales spécialisées de deux types : neuronales et gliales, les deux types de cellules cérébrales les plus importants.

 

Et la barrière sang-cerveau ?

 

Ce qui rend cette découverte encore plus excitante, c'est le fait qu'il y a normalement la présence de la barrière hémato-encéphalique. Nous l'avons tous. Son but est de permettre un échange sélectif vers le cerveau et depuis le cerveau, pour le besoin évident de protéger cet organe important. Très peu de cellules sont capables de la traverser.

 

Cependant, chez le nouveau-né, cette barrière est perméable, permettant un échange plus important que ce qui se passe normalement chez les adultes[9,10]. Et les cellules souches du lait maternel font partie des quelques éléments chanceux qui peuvent passer cette barrière sang-cerveau !

 

Microchimérisme**

 

Ce phénomène de transfert et d'intégration de cellules étrangères dans un organisme est appelé microchimérisme et est plus courant qu'on ne le pense. En fait, il a déjà été démontré qu'il se produit réciproquement entre la mère et l'embryon pendant la grossesse, les cellules embryonnaires étant vivantes et intégrées dans le cerveau et les autres organes de la mère de nombreuses années après la naissance de son enfant[11,12].

 

Inversement, le microchimérisme maternel, à savoir le transfert de cellules maternelles à la progéniture, peut se produire non seulement in utero mais aussi pendant la lactation[11-15]. Cela avait déjà été démontré auparavant pour des cellules de lait de type immunitaire ou des cellules de lait indéterminées[13-15].

 

Maintenant, et pour la première fois, deux groupes de recherche indépendants ont montré cela pour les cellules souches du lait maternel dans deux modèles d'étude de souris[2,3,7,8]. Ce qui est fascinant, c'est que tout porte à croire que ces cellules souches deviennent des parties actives et fonctionnelles du corps des jeunes[2,3,16].

 

Et bien sûr, en plus des cellules souches, le nourrisson allaité reçoit des cellules immunitaires du lait maternel[6,8]. Il a été démontré que ces deux types de cellules du lait maternel se trouvent également dans le thymus du nourrisson, entre autres organes[3,8]. Le thymus est responsable de la maturation de nos cellules immunitaires. Pour cette raison, on pense que par leur localisation à l'intérieur du thymus, les cellules du lait maternel facilitent à la fois la tolérance cellulaire entre la mère et l'enfant, et la maturation du système immunitaire de l'enfant[7,8,17].

 

Ce qui précède, ensemble avec les preuves que les cellules chimériques persistent dans la progéniture à long terme[16], suggèrent que le microchimérisme maternel chez la progéniture n'est pas un événement aléatoire, mais plutôt une caractéristique globale de l'allaitement, bien conçue et spécifiquement orchestrée, visant à stimuler et à soutenir multilatéralement le développement optimal du bébé et à le protéger des maladies infectieuses[7, 8].

 

En effet, on sait depuis longtemps que l'allaitement maternel offre une protection immunitaire au nourrisson. Ce que l'on sait moins, c'est que cette protection est probablement facilitée non seulement par les molécules immuno-protectrices du lait maternel (comme les immunoglobulines, les cytokines, etc.) mais aussi par les cellules immunitaires et les cellules souches du lait[8].

 

Et les enfants privés de cellules vivantes ?

 

Le lait maternel congelé ou réfrigéré ne contient plus de cellules vivantes. Quelles sont les conséquences à long terme pour un nourrisson qui n'a pas reçu de lait maternel frais ? Et est-ce que l'allaitement prolongé offre des avantages cellulaires supplémentaires par rapport à des périodes d'allaitement plus courtes ?

 

Et pour les prématurés, le lait maternel congelé ou le lait pasteurisé de donneuses qu'on leur donne habituellement, est-il idéal pour eux ? Les cellules ne survivent pas dans le lait maternel après congélation ou réfrigération pendant quelques heures, ni après pasteurisation[8].

 

Le lait maternel = le "sang maternel postnatal"

 

Molès et al (2018) ont très justement appelé le lait maternel le "sang maternel postnatal", par lequel une multitude de facteurs actifs solubles et cellulaires sont livrés à la progéniture, en continuation de la période gestationnelle[17].

 

Est-ce que nous mettons l'accent sur l'importance médicale de ce phénomène ? Il est clair qu'il est urgent d'intensifier la recherche fondamentale et la recherche appliquée dans ce domaine pour répondre à toutes ces questions.

 

 

** Définition de microchimérisme

Mélange de cellules génétiquement différentes, en particulier transfert de cellules fœtales dans l'organisme maternel ou de cellules maternelles dans l'organisme fœtal.

 

Sources et références de l'article de Prof. Foteini Kakulas

1. Barinaga M (2002). Cells exchanged during pregnancy live on. Science 296:2169-2172.

2. Aydin MS, Yiğit EN, Vatandaşlar E, Erdoğan E, Öztürk G (2018). Transfer and integration of breast milk stem cells to the brain of suckling pups. Scientific Reports 8:14289.

3. Hassiotou F, Mobley A, Geddes DT, Hartmann PE, Wilkie T (2015). Breastmilk imparts the mother’s stem cells to the infant. FASEB Journal 29:876.

4. Cregan MD, Fan Y, Appelbee A, Brown ML, Klopcic B, Koppen J, Mitoulas LR, Piper KM, Choolani MA, Chong YS, Hartmann PE (2007). Identification of nestin-positive putative mammary stem cells in human breastmilk. Cell and Tissue Research 329:129-136.

5. Hassiotou F, Beltran A, Chetwynd E, Stuebe AM, Twigger AJ, Metzger P, Trengove N, Lai CT, Filgueira L, Blancafort P, Hartmann PE (2012). Breastmilk is a novel source of stem cells with multilineage differentiation potential. Stem Cells 30(10):2164-2174.

6. Hassiotou F, Geddes DT, Hartmann PE (2013). Cells in human milk: state of the science. Journal of Human Lactation 29(2):171-182.

7. Hassiotou F, Hartmann PE (2014). At the dawn of a new discovery: The potential of breast milk stem cells. Advances in Nutrition 5:770-778.

8. Kakulas F (2015). Breast milk: a source of stem cells and protective cells for the infant. Infant 11(6):187-191.

9. Matsushita T, Kibayashi T, Katayama T, Yamashita Y, Suzuki S, Kawamata J, Honmou O, Minami M, Shimohama S (2011). Mesenchymal stem cells transmigrate across brain microvascular endothelial cell monolayers through transiently formed inter-endothelial gaps. Neuroscience Letters 502:41-45.

10. Ek CJ, Dziegielewska KM, Habgood MD, Saunders NR (2012). Barriers in the developing brain and neurotoxicology. Neurotoxicology 33:586-604.

11. Zhou L, Yoshimura Y, Huang Y, Suzuki R, Yokoyama M, Okabe M, Shimamura M (2000). Two independent pathways of maternal cell transmission to offspring: through placenta during pregnancy and by breastfeeding after birth. Immunology 101:570-580.

12. Dutta P, Burlingham WJ (2010). Stem cell microchimerism and tolerance to non-inherited maternal antigens. Chimerism 1:2-10.

13. Weiler IJ, Hickler W, Sprenger R (1983). Demonstration that milk cells invade the suckling neonatal mouse. American Journal of Reproductive Immunology 4:95-98.

14. Jain L, Vidyasagar D, Xanthou M, Ghai V, Shimada S, Blend M (1989). In vivo distribution of human milk leucocytes after ingestion by newborn baboons. Archives of Disease in Childhood 64:930-933.

15. Michie CA (1998). The long term effects of breastfeeding: a role for the cells in breast milk? Journal of Tropical Pediatrics 44:2-3.

16. Maloney S, Smith A, Furst DE, Myerson D, Rupert K, Evans PC, Nelson JL (1999). Microchimerism of maternal origin persists into adult life. The Journal of Clinical Investigation 104:41-47.

17. Molès JP, Tuaillon E, Kankasa C, Bedin AS, Nagot N, Marchant A, McDermid JM, Van de Perre P (2018). Breastmilk cell trafficking induces microchimerism-mediated immune system maturation in the infant. Pediatric Allergy and Immunology 29:133-143.

 

Prof. Foteini Kakulas (formerly Hassiotou), Adjunct Research Fellow, University of Western Australia